"Radicalisation", pour éviter les impasses

Invité par une mosquée bruxelloise pour intrevenir sur le thème de la « radicalisation », j’ai eu l’opportunité d’exprimer les deux points suivants:

 

Il est nécessaire de se soustraire des instrumentalisations multiples du terme, qu’elles soient académiques, médiatiques ou politiques et de se garder de faire le jeu de ceux qui ont sauté sur l’occasion fournie par les attentats terroristes pour régler leurs comptes avec la visibilité de l’islam, que celle-ci se donne à se voir à travers l’action associative et militante contre les discriminations et les stigmatisations ou via des modes de vie conservateurs et rigoristes. Dépolitisation et culturalisation des termes du débat font partie de cette stratégie qui fonctionne bien. C’est dans ce sens que j’ai toujours prôné la distinction entre les formes de radicalité non violente et la radicalité qui légitime la violence. Le salafisme quiétiste, majoritaire, se situe dans la radicalité non violente, est peu intéressé par les débats de société et les formes d’engagement militants, c’est sur un autre terrain que la « radicalisation » - colportant l’idée de violence dans la représentation sociale dominante - qu’il faut le combattre si l’on veut éviter les amalgames, les atteintes aux libertés individuelles et la politisation de salafistes apolitiques.

 

Mais le respect des libertés ne signifie pas cautionner les idées et les discours avec lesquels on est en parfaite opposition et qui ont prouvé leur nocivité. Le salafisme est une idéologie et c’est par les idées que l’on peut le combattre. Justement, et c’est le deuxième point, je pense que l’espace de socialisation religieuse formel (mosquées, associations religieuses, profs de religion etc) se doit d’éviter d’être parasité par les termes du débat qu’on lui impose, et engager malgré tout un travail de réforme nécessaire dans lequel autocritique et critique se conjuguent. Il est temps de stopper la salafisation des espaces où les jeunes musulmans cherchent à se construire leur religiosité. Il est temps de dépasser les impasses dans lesquelles le mode de pensée islamiste (fréristes et assimilés) a enfermé les communautés musulmanes. Il est temps de proposer un discours apaisé, qui s’exprime dans les langues du pays, conscient des réalités du contexte et des préoccupations de la jeunesse, tourné vers une islamité apaisée, une religiosité libératrice et émancipatrice, un rapport aux textes revisité, une citoyenneté entière, l’acceptation de la différence et l’inclusion de l’autre, qu’il soit musulman ou non. Il est temps de mettre plus de spiritualité, plus de philosophie et moins de littéralité. Et ça, c’est clairement la responsabilité des cadres musulmans. J’étais ravi de constater que la mosquée dans laquelle j’intervenais était tout à fait disposée à entendre cet appel et qu’elle s’y inscrivait. Le mouvement est déjà en marche.


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